1) ETYMOLOGIE: le mot diptyque est issu du mot grec ancien dyptikos qui signifiait deux volets. De nos jours un diptyque est une œuvre d'art, en général picturale ou sculpturale, composée de deux panneaux qui se suivent ou se complètent.
2) HISTORIQUE : Très utilisé chez les Romains durant l'empire, le diptique était composé de deux panneaux sur lesquels étaient gravés les décrets de l'empereur, des consuls et des hauts fonctionnaires. On parlait alors de diptyques codicillaires. On avait l'habitude de les offrir à l'occasion de grands événements. Ensuite c'est l'Eglise chrétienne qui va en faire usage. On a gravé le nom des bienfaiteurs de l'église sur le diptyque et on lit la liste à haute voix durant l'office afin que les fidèles prient pour eux. On peut en voir dans les cathédrales de Bourges, Limoges, Dijon, Liège etc...Chez les orthodoxes, on inscrit le nom des vivants d'une famille sur le premier volet et le nom des morts de cette même famille sur l'autre volet.
3) LA FONCTION ARTISTIQUE: c'est bien sûr celle qui nous intéresse puisque sujet de notre thème photographique pour l'an prochain. On retrouve l'utilisation du diptyque dans beaucoup de domaines artistiques comme la sculpture, la peinture, la gravure, la photographie, la littérature, le cinéma, la BD et même la musique ! Voyons quelques exemples.
- a) en littérature : "femme pauvre " de Léon Bloy, "les enfants de Longbridge + Bienvenu au club " de johnathan Coe, "l'eau des collines + Manon des sources " de Marcel Pagnol.
- b) en BD : Tintin d'Hergé "objectif lune + on a marché sur la lune ", Tronchet "stars d'un jour + stars toujours", Cosey "voyage en Italie 1 + Voyage en Italie 2".
- c) en musique : choral et fugue ou toccata et fugue chez J.S.Bach
- d) au cinéma : "Napoléon " d'Abel Gance , "Kill Bill " de Quentin Tarentino , "Une sale histoire " de Jean Eustache ,"Mémoires de nos pères " + "lettres d'Iwo Jima " de Clint Eastwood.
- e) en sculpture : "Le stilicon " de Monza, le diptyque de Milton , "diptyque de Boèce ", "diptyque de Queriniano.
- f) en peinture : "le triomphe de la chasteté " de Piero della Francesca, "le sculpteur Aubé et son fils "de Paul Gauguin, "Marilyn Monroe " d'Andy Warhol, "la chapelle " de Mark Rothko.
- g) en photographie : Roman Opalka "multiplications", Baltazar Burckhard "Vague ", François Méchain "l'aventure canadienne "
4) LA REALISATION : c'est ce qui nous intéresse plus particulièrement. Nous verrons d'abord les exigences matérielles puis les exigences d'ordre sémantique et esthétique.
- a) le format et l'encadrement : penser au format et à l'encadrement des deux photos qui doivent se trouver en principe sur le même support bien que l'utilisation de deux cadres serait plus logique si l'on songe aux deux volets d'un diptyque. Première hypothèse : les deux photographies dans un même cadre. La disposition de deux photos exige de prendre le cadre horizontalement et encore ces dernières doivent être verticales sinon il y a risque de manque de place ou bien vos photos seront trop petites. Pensez également lors de la prise de vues que votre photo ne sera pas au format de votre capteur (pas d'homothétie !) Donc penser, à la prise de vues, à prendre votre appareil verticalement sinon le recadrage risque d'être trop important et la qualité de votre image s'en trouvera dégradée. La marge de séparation entre les deux photographies doit être très inférieure aux autres marges de la photo car elle est là pour symboliser une séparation, une pliure en réalité. Donc à vos calculs ! Seconde hypothèse : un diptyque avec deux photographies horizontales est possible certes mais demande un cadre extrêmement panoramique introuvable dans le commerce qu'il faudra donc réaliser soi-même (chose possible au demeurant) mais qui ne serait pas accepté dans toutes les expositions parce que trop encombrant. Reste le diptyque composé de deux photographies au format carré. La chose est possible mais c'est un format très exigeant au niveau compositionnel lors de la prise de vues. Pour ce qui est de la découpe, le droit à l'erreur reste le même, c'est-à-dire zéro mais le risque est, lui, multiplié par deux !!! Prévoir un passe-partout de réserve !
- b) les exigences de la prise de vue et du sens. Tout le monde comprendra que réunir deux photographies choisies au hasard formeront bien un diptyque mais que formel car il n'y aura aucune relation entre le contenu et peut-être également la forme de ces deux photographies. Au niveau artistique on a un zéro pointé ! Voyons à présent les exigences d'un diptyque au niveau et du sens et de la forme (on peut rappeler que la forme est au service du sens !). Commençons par la fin. Qu'est-ce qu'un diptyque réussi ? C'est tout simplement un duo de photos qui fonctionne bien, où notre oeil va de l'une à l'autre avec aisance et où ce mouvement visuel enrichit le sens que nous donnons à ces images. Il faut qu'il y ait une interaction entre les deux photographies, c'est quasiment impératif ! Les professionnels disent "qu'elles s'auto- alimentent ". Chaque photographie enrichit l'autre. Curieux paradoxe : deux photographies réussies (qui se suffisent à elles-mêmes) ne formeront pas systématiquement un bon diptyque (au football, onze vedettes ne forment pas forcément une bonne équipe !) et on peut avoir un superbe diptyque avec deux photographies très moyennes. C'est donc le fonctionnement en couple qui compte. Un mot sur la lecture: n'oublions pas que nous lisons de gauche à droite et il en sera de même pour la lecture d'un diptyque même si nous faisons de nombreux va-et-vient. La photo n°1 sera donc à gauche et la n°2 à droite
Les fonctions d'un diptyque: elles dépendent de votre imagination et sont trop nombreuses pour qu'on puisse espérer pouvoir en faire la liste complète. En voici un bref aperçu.
La fonction narrative: la première photo raconte une histoire (rappel : elle est alors anecdotique) et la seconde photo a alors pour mission, de continuer voire de finir l'histoire. Ex : photo1 : un très jeune enfant partant sur son tricycle sourire au lèvre photo2 : le tricycle renversé dans le fossé et l'enfant pleurant tout en observant son genou écorché. Ici, c'est l'histoire qui prime et il serait souhaitable que les caractéristiques esthétiques des deux photos soient semblables afin que notre esprit reste concentré sur le sujet et que la continuité du sujet n'en soit pas perturbée. On rappelle cependant que toute règle peut être contournée pourvu qu'il y ait une justification !
La fonction de complétude : La seconde photo apporte un jour nouveau, une vision nouvelle à la première. Elle la complète en ajoutant des propriétés, des informations nouvelles ou peu visibles sur la première photo. Ce peut être un changement de point de vue, une modification de la zone de netteté en jouant sur la profondeur de champ, un gros plan, un détail mis en valeur...ex : photo1:le magnifique tympan de la cathédrale de Reims photographié dans son ensemble, photo 2 : le détail du visage d'un ange pris sur ce même tympan. Ici aussi, on essaiera de conserver les propriétés d'ordre esthétique afin de conserver toute notre concentration d'observation.
La fonction de variation : ici, la seconde photographie a le même sujet que la première mais avec quelques différences qui peuvent provenir de la transformation de l'objet photographié lui-même (l'usure du temps par exemple, photo1 : photo d'un arbre pris en été et photo2 le même arbre pris en hiver) ou de la façon dont il a été techniquement traité. Photo1 : un portrait pris en low key, photo2 : le même portrait pris en high-key. Ici, il n'y a pas d'obligation d'unité esthétique, bien au contraire !
La fonction de liaison : sans doute très difficile car elle suppose une excellente maîtrise technique et surtout en composition. Les deux photographies traitent de sujets différents mais, leur composition se ressemble assez pour qu'on puisse les relier. Pour simplifier, on pourrait attacher les deux photographies sans séparation et on ne verrait plus qu'une seule photographie. On obtient le même effet en coupant une photographie en deux parties (certains artistes contemporains ont fait des diptyques de ce type) mais toute la difficulté consiste à trouver le bon endroit pour la découpe !
Voilà, sans avoir fait le tour du sujet, j'espère que ces quelques réflexions sur le sujet pourront vous être utiles ou du moins vous inciteront à réfléchir durant l'année qui arrive sur ce thème qui sera le nôtre l'an prochain. Lors des réunions du lundi, vous enrichirez par des débats, j'en suis convaincu, le sujet modestement abordé ici. Posez-vous la question "Pourquoi mettre deux photographies ensemble?" Bon courage à vous tous.
Mes plus cordiales pensées. .
Gilbert Rohan
(ps : qu'en est-il d'un diptyque avec une photographie couleur associée à une photographie N&b ? C'est périlleux car l'incompatibilité esthétique est forte et il faut trouver un justificatif très convaincant. Il me vient à l'esprit l'exemple suivant : photographie n°1 en couleur : un éclair frappant un poteau électrique. Photographie n°2 en N&B : une pièce de la maison dans le noir total et éclairée par une modeste bougie. Ici, le N&B peut se justifier par l'absence totale de couleurs concernant la pièce.)
Suite...disposition des images
